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Décès de Dikembe Mutombo à 58 ans, un pionnier du basket africain

NBA – Avant Ben Wallace et Rudy Gobert, l’intimidateur numéro 1 de la NBA, c’était Dikembe Mutombo. L’un des premiers africains à s’imposer en NBA, mais aussi l’un des meilleurs défenseurs de l’histoire. Il s’est éteint à 58 ans.

Dikembe MutomboAtteint d’une tumeur au cerveau depuis 2022, Dikembe Mutombo s’est éteint à l’âge de 58 ans. La NBA perd l’un des meilleurs défenseurs de son histoire, et l’un des meilleurs pivots des années 90-2000. C’était aussi un pionnier pour le basket africain.

« Dikembe Mutombo était tout simplement plus grand que nature » écrit Adam Silver. « Sur le terrain, il était l’un des plus grands contreurs et l’un des meilleurs défenseurs de l’histoire de la NBA. En dehors des terrains, il a consacré son cœur et son âme à aider les autres. Il n’y avait personne de plus qualifié que Dikembe pour devenir le premier ambassadeur mondial de la NBA. Il était un humanitaire dans l’âme. Il aimait ce que le basket-ball pouvait faire pour avoir un impact positif sur les communautés, en particulier dans sa République démocratique du Congo natale et à travers le continent africain. J’ai eu le privilège de voyager à travers le monde avec Dikembe et de constater par moi-même comment sa générosité et sa compassion ont élevé les gens lors des événements de la NBA au fil des ans – avec son sourire contagieux et sa voix profonde et retentissante. Et sa signature qui l’a fait aimer des fans de basket de toutes les générations. L’esprit indomptable de Dikembe perdure chez ceux qu’il a aidés et inspirés tout au long de sa vie extraordinaire. Je fais partie des nombreuses personnes dont la vie a été touchée par le grand cœur de Dikembe et il me manquera beaucoup. Au nom de toute la famille NBA, j’adresse mes plus sincères condoléances à l’épouse de Dikembe, Rose, et à leurs enfants ; ses nombreux amis ; et la communauté mondiale du basket-ball qu’il aimait vraiment et qui l’aimait en retour. »

Dikembe « Not in My House » Mutombo

La saga de Dikembe Mutombo ressemble tout à fait à un scénario hollywoodien. Tout commence en Afrique le 25 juin 1966. Kinshasa, le Zaïre (devenu République démocratique du Congo). Une famille de neuf enfants, issue de la tribu ethnique des Lubas. Papa était principal d’un lycée. Il acheva sa carrière au ministère de l’Education. Le petit Dikembe grandit en apprenant le français, l’espagnol, le portugais, l’italien et cinq dialectes africains. Les langues mais pas le basket. Ce n’est qu’à 18 ans que Dikembe Mutombo Mpolondo Mukamba Jean-Jacques Wamutombo (son nom complet…), géant de 2,18 m, découvrit le gros ballon orange. Il s’en souvient encore. « La première fois que j’ai joué, je suis tombé sur le menton. J’en porte encore la cicatrice. »

Il ne lui fallut pas longtemps pour intégrer la sélection nationale. Puis un officiel de l’ambassade des Etats-Unis proposa de lui trouver une bourse dans une université américaine. Mutombo choisit Georgetown. Il avait été impressionné par le coach, John Thompson. Le regretté Thompson promit au père de Dikembe que celui-ci décrocherait un diplôme. Question d’éducation. Mais ce n’est pas pour tout de suite. Mutombo passe sa première année à apprendre… l’anglais. Une langue de plus. Et surtout, il apprend à jouer. Dans un championnat local pour commencer et pour s’acclimater. Il marque 40 points à chaque match en smashant sur la tête de tous ses adversaires. Il est intégré à l’équipe de Georgetown mais passe son temps sur la banquette, comme remplaçant d’Alonzo Mourning. Jusqu’à ce que Thompson décale « Zo » à l’aile.

C’est le grand déclic. Elu meilleur défenseur de la Conférence Big East en 1990 et 91, « Deke » quitte les Hoyas en juin de cette dernière année avec le meilleur pourcentage de réussite aux tirs de l’histoire de la fac (64.4%). Il établit aussi le record de l’université en rejetant 12 tirs adverses sur un match. La paire Alonzo-Dikembe amuse énormément les fans de Georgetown. Ils créent le « Rejection Row ». A chaque tir contré, la silhouette d’une main est rajoutée sur la bannière placée sous le panier.

« J’ai du mal à réaliser ce qui m’arrive. Même à l’université, je n’aurais jamais pu imaginer une telle évolution. Jusqu’au jour où j’ai rencontré Bill Russell. J’ai passé cinq jours avec lui, il m’a convaincu de mon potentiel. Il m’a assuré que je pouvais devenir une star », déclare fièrement Mutombo.

« J’ai prévenu Jordan qu’il ne dunkerait jamais sur moi »

Une star, c’en est devenu une. A tel point qu’il a dû changer sa signature devant toutes les demandes d’autographe. « Mutombo 55 » (son numéro) s’est transformé en « DM 55 ». Plus simple et rapide. Encore heureux qu’il n’écrive pas son nom complet… En quelques mois, Dikembe a tout compris. Même la nécessité de faire le show.

« J’ai prévenu Michael Jordan qu’il ne dunkerait jamais sur moi. Je le lui ai rappelé l’autre jour. Sa seule réponse fut de marquer un lancer franc les yeux fermés, en me disant : « Mutombo, celui-là est pour toi »… »

La Mutombomania est lancée. L’image de Dikembe est déjà utilisée par les publicitaires. Comme dans ce spot où il parle toutes les langues qu’il maîtrise. Qu’en sera-t-il en fin de saison quand il sera, à coup sûr, élu Rookie de l’année ? Même le numéro 1 de la draft 1991, Larry Johnson, devra se contenter de la deuxième place. C’est Mutombo qui l’assure très modestement : « Je n’ai pas de concurrent. Je suis unique. »

Qu’on ne se méprenne pas : « Deke » n’a pas attrapé la grosse tête. Il manque juste de lucidité…

Au printemps 1992, c’est bien « Grandmama » qui succède à Derrick Coleman comme Débutant de l’année. Mutombo n’a pas à rougir : ses 16.6 points, 12.3 rebonds, 2.2 passes et 3 contres de moyenne combleraient n’importe quelle franchise. Retenu dans la All-Rookie First Team, il termine deuxième meilleur scoreur des Nuggets derrière le small forward Reggie Williams.

L’un des meilleurs défenseurs de l’histoire

Pendant cinq ans, le « mont Mutombo » va s’imposer comme un rempart infranchissable. Les vagues adverses viennent invariablement mourir sur ce rocher haut de 2,18 m (pour 120 kg). Entre 1991 et 96, « Deke » ne descendra pas sous la barre des 11.8 rebonds. Il tournera à 3.5 contres ou plus et rapportera toujours 11 points minimum. C’est l’un des meilleurs rebondeurs et défenseurs de la Ligue. Mais le roster reste désespérement faible autour des LaPhonso Ellis, Mahmoud Abdul-Rauf, Robert Pack et autres Bryant Stith. La franchise du Colorado est incapable de gagner plus de 42 matches. Elle connaît malgré tout son heure de gloire au premier tour des playoffs 1994. Tête de série n°8 à l’Ouest, Denver s’en va battre Seattle, n°1, chez lui dans le Game 5 (98-94). L’image d’un Dikembe Mutombo radieux, écroulé sur le parquet et tenant le ballon par-dessus sa tête, fait le tour du monde. Le Congolais a compilé 31 contres au cours de cette opposition, ce qui reste le meilleur total de blocks sur une série disputée au meilleur des cinq matches.

Faut-il s’étonner de le voir élu « Défenseur de l’année » en 1995 ? Non. Faut-il s’étonner de le voir quitter Denver l’année suivante ? Non plus. Free-agent, Mutombo choisit de rejoindre Atlanta où ses exploits défensifs seront davantage mis en valeur et mieux exploités. Il empile les distinctions individuelles (4 sélections All-Star, deux nouveaux titres de Défenseur de l’année) mais ne connaît pas la réussite collective (voir les articles sur Mookie Blaylock et Steve Smith). Une image s’imprime dans la rétine : celle d’un « Deke » faisant « Non » du doigt à son adversaire après avoir contré sa tentative. « Not in my house. »

Puis une autre : la combinaison Iverson-Mutombo lors du All-Star Game 2001 à Washington. Stephon Marbury porte la sélection Est vers la victoire (111-110). Mais l’état-major des Sixers est davantage concentré sur l’association entre « The Answer » et le seul pivot lui paraissant capable de donner la réplique à Shaquille O’Neal dans l’hypothèse d’une Finale NBA. En février 2001, au lendemain du Match des Etoiles, Philadelphie expédie Theo Ratliff en Géorgie pour récupérer le géant africain. Ratliff, blessé au moment de l’échange, n’avait pas démérité jusque-là. En récompense de ses efforts, Philly lui offre un ticket pour le néant. Au moment de boucler ses valises, il ne masque pas son amertume. Pire : son dégoût. « La NBA est un sale business… »

Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, Dikembe Mutombo quitte une franchise en perdition (28 victoires en 2000 et 25 en 2001) pour un futur finaliste NBA. Il s’adjuge un quatrième titre de Défenseur de l’année au printemps 2001 mais ne peut contrarier seul la domination du Shaq en Finales (4-1 pour les Lakers). Au lendemain d’une élimination au premier tour des playoffs 2002 (3-2 contre Boston), la lune de miel s’achève. Jugeant le Congolais sur le déclin alors que ses stats sont restées stables, les Sixers le cèdent à New Jersey.

Limité à 24 matches pour cause de blessure, « Deke » ne peut aider les Nets. Il assiste en spectateur au début des playoffs avant de jouer les utilités dans les Finales 2003 (2-4 contre San Antonio). Un an plus tard, après un transit par New York et Chicago (il sert de monnaie d’échange dans le transfert de Jamal Crawford mais ne dispute aucun match pour les Bulls), Mutombo emménage à Houston, comme back-up de Yao Ming.

Il capte 22 rebonds à 41 ans !

Dans le Texas, Papy fait de la résistance et donne la leçon à tous les apprentis pivots et blancs-becs de la Ligue. Prenez-en de la graine, les jeunes ! Le 2 mars 2007, à 41 ans, il devient le joueur le plus âgé ayant capté 20 rebonds ou plus dans un match (22 contre Denver). Le 10 janvier 2008, il réussit cinq contres dans une défaite face aux Lakers (102-77) et dépasse Kareem Abdul-Jabbar pour le total de blocks en carrière. Il terminera deuxième derrière Hakeem Olajuwon (3 289 contre 3 830). Playoffs 2009. Dans le Game 1 du premier tour contre Portland (4-2), Dikembe rapporte encore 9 rebonds, 2 contres et 1 interception en 18 minutes… Le vieux sage a tout donné. Son corps dit « Stop ». Dans le deuxième quart-temps du Game 2, il est victime d’une rupture d’un tendon du genou gauche qui met un terme à sa campagne.

« C’est fini pour moi », lâche le n°55 qui annoncera officiellement sa retraite le 23 avril.

Cette longévité – 18 ans de carrière – ne suffit pas à expliquer l’immense respect inspiré par le personnage Dikembe Mutombo. Papa de six enfants (dont quatre par adoption), « Deke » est un homme éduqué, engagé et profondément bon. Il voulait faire médecine. Il quitta Georgetown avec un diplôme de linguistique et de solides prédispositions pour la diplomatie. Son action en faveur du développement du continent africain mériterait un article entier. Dikembe crée une fondation, paie des équipements, finance des infrastructures, participe à la construction d’un hôpital de 300 lits à Kinshasa (Biamba Marie Mutombo Hospital, du nom de sa mère, décédée en 1997)… Partout où il le peut, il intervient, prend la parole, agit pour montrer le bon exemple.

En 2004, DeSagana Diop, Malik Rose et Shawn Bradley l’accompagnent sur le Continent Noir dans le cadre du programme « Basketball Without Borders ». Son investissement est salué dans les plus hautes instances internationales. A l’ONU, dont il est l’un des ambassadeurs. A la Maison-Blanche. Devant le Congrès américain, où le président George Bush parle de lui, en janvier 2007, comme d’un « fils du Congo ». « Mon cœur était plein de joie », confia l’intéressé. « Je ne savais pas que le président m’adresserait de tels compliments. »

Depuis sa retraite, Mutombo continuait de trainer sa grande carcasse dans les travées des salles NBA, allant même jusqu’à rechausser ses immenses chaussures pour le premier Africa Game en Afrique du Sud. Sans surprise, il a fait son entrée au Hall Of Fame 2015, optant pour David Stern pour son discours d’intronisation.

Autre preuve de l’immense respect qu’il inspirait à travers la NBA, son maillot a été retiré par les Hawks, mais aussi les Nuggets en 2017.

Dikembe Mutombo Pourcentage Rebonds
Saison Equipe MJ Min Tirs 3pts LF Off Def Tot Pd Fte Int Bp Ct Pts
1991-92 DEN 71 38 49.3 0.0 64.2 4.5 7.8 12.3 2.2 3.9 0.6 3.6 3.0 16.6
1992-93 DEN 82 37 51.0 0.0 68.1 4.2 8.9 13.1 1.8 3.5 0.5 2.6 3.5 13.8
1993-94 DEN 82 35 56.9 0.0 58.3 3.5 8.4 11.8 1.6 3.2 0.7 2.5 4.1 12.0
1994-95 DEN 82 38 55.6 0.0 65.4 3.9 8.7 12.6 1.4 3.5 0.5 2.3 3.9 11.5
1995-96 DEN 74 37 49.9 0.0 69.5 3.4 8.4 11.8 1.5 3.5 0.5 2.0 4.5 11.0
1996-97 ATL 80 37 52.7 0.0 70.5 3.4 8.3 11.6 1.4 3.1 0.6 2.3 3.3 13.3
1997-98 ATL 82 36 53.7 0.0 67.0 3.4 8.0 11.4 1.0 3.1 0.4 2.1 3.4 13.4
1998-99 ATL 50 37 51.2 0.0 68.4 3.8 8.4 12.2 1.1 2.9 0.3 1.9 2.9 10.8
1999-00 ATL 82 36 56.2 0.0 70.8 3.7 10.4 14.1 1.3 3.0 0.3 2.1 3.3 11.5
2000-01 * All Teams 75 35 48.4 0.0 72.5 4.1 9.4 13.5 1.0 2.7 0.4 1.9 2.7 10.0
2000-01 * ATL 49 35 47.7 0.0 69.5 3.8 10.3 14.1 1.1 2.8 0.4 1.9 2.8 9.1
2000-01 * PHL 26 34 49.5 0.0 75.9 4.6 7.8 12.4 0.9 2.5 0.4 2.0 2.5 11.7
2001-02 PHL 80 36 50.1 0.0 76.4 3.2 7.6 10.8 1.0 3.0 0.4 2.0 2.4 11.5
2002-03 NJN 24 21 37.4 0.0 72.7 2.3 4.1 6.4 0.8 2.3 0.2 1.4 1.5 5.8
2003-04 NYK 65 23 47.8 0.0 68.1 2.2 4.5 6.7 0.4 2.2 0.3 0.8 1.9 5.6
2004-05 HOU 80 15 49.8 0.0 74.1 1.9 3.5 5.3 0.1 1.7 0.2 0.6 1.3 4.0
2005-06 HOU 64 15 52.6 0.0 75.8 1.6 3.2 4.8 0.1 2.0 0.3 0.6 0.9 2.6
2006-07 HOU 75 17 55.6 0.0 69.0 2.2 4.3 6.5 0.2 2.1 0.3 0.5 1.0 3.1
2007-08 HOU 39 16 53.8 0.0 71.1 1.7 3.4 5.1 0.1 1.4 0.3 0.4 1.2 3.0
2008-09 HOU 9 11 38.5 0.0 66.7 1.3 2.3 3.7 0.0 1.2 0.0 0.7 1.2 1.8
Total   1196 31 51.8 0.0 68.4 3.2 7.2 10.3 1.0 2.8 0.4 1.8 2.8 9.8

Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.

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