Médaillé d’argent aux Jeux Olympiques 2000 à Sydney, de bronze aux Championnats d’Europe en 2005, Fred Weis fut un cadre de l’équipe de France de basket durant huit ans, entre 1999 et 2007. L’ancien joueur du Limoges CSP et de Malaga cumule 100 sélections à son compteur. Aujourd’hui retraité, il reste un observateur très avisé du basket français et européen. Il est notre consultant tout au long de cet Eurobasket 2015.
Tu as déjà vécu plusieurs quarts de finale avec l’équipe de France. Comment prépare-t-on ce match couperet, à la vie, à la mort, avec la sélection ?
Déjà, je tiens à dire que pour moi, c’est curieux d’avoir deux jours de repos, en pleine compétition, entre le huitième et le quart, ça me parait beaucoup. Je pense que les techniciens diront que c’est peu car ils voudront mettre des choses nouvelles en place mais je trouve qu’avec la succession effrénée de matchs depuis le début, qui génère un rythme de compétition, le fait de s’arrêter comme ça ne me semble pas vraiment être très bon.
« Deux jours de repos, cela peut casser le rythme des joueurs »
Qu’est-ce que cela peut engendrer selon toi pour les joueurs ?
Je trouve que cela casse un peu les joueurs dans le rythme de leurs matchs car forcément, les entraînements ne seront pas très rugueux pour éviter les blessures, c’est logique. On va donc perdre un peu cette intensité de match. Alors, je sais que cette équipe sait rebondir, sait réagir mais je trouve qu’en pleine compétition, à ce niveau-là, deux jours, c’est trop. Mais je suis certain que Vincent Collet saura bien occuper ses troupes, qu’il aura fait ce qu’il faut pour à la fois les maintenir dans le rythme et les laisser se reposer mais c’est vrai que c’est un travail de dosage difficile pour le coach. À mon avis, l’entraîneur fait son travail le plus dur de l’Euro en ce moment.
Justement, que travaille-t-il pendant ces deux jours ? Procède-t-il à des ajustements, des révisions des systèmes ? Est-ce du peaufinage ou un travail plus conséquent ?
Ça se passe comme pour tout match couperet : on retravaille les systèmes sur lesquels on est fort et on fait quelques ajustements par rapport à l’équipe que l’on va affronter. Il y a des équipes qui sont plus difficiles à jouer que d’autres et dans ce cas de figure, celui des Lettons, une équipe atypique qui ne nous réussit pas forcément, Vincent Collet fera quelques réglages de ce point de vue là. À mon avis, cela va aussi être un travail en deux temps, c’est à dire que le cinq majeur, celui qui joue le plus, aura un travail moins physique que les autres. Les autres, Vincent Collet voudra les remettre un peu plus dans le bain avec des séquences plus intenses pour pouvoir les avoir sous le coude au moment où il en aura besoin.
Est-ce qu’il y a encore une part de travail individuel à ce niveau-là, sur la mécanique de tir, le dribble ?
À mon avis, il y aura une séance de shoots parce que c’est une nouvelle salle, même s’ils y ont joué une fois, ils ne la connaissent pas encore très bien. En plus, il y a beaucoup de recul donc il y aura évidemment des séances de shoots mais tout ce qui est « travail individuel » à proprement parlé, très peu. Chacun répètera ses gammes davantage pour se donner confiance que pour réellement les travailler.
« Vincent Collet a beaucoup de chance : les cadres savent s’auto-gérer »
En termes de séance vidéo, quels angles sont analysés par l’entraîneur ? Les lacunes de l’équipe de France, les forces de l’adversaire ?
Encore une fois, ce n’est que mon avis et c’est ce que j’ai connu, je ne connais pas la méthode de travail de Vincent, le premier jour, tu travailles sur toi : les mauvaises choses commises et les bonnes, en terminant toujours par les bonnes afin de garder un esprit positif. Ensuite, le deuxième jour, tu visionnes le jeu des Lettons pour savoir comment préparer le match. Il y a vraiment deux phases, le premier et le deuxième jour sont deux phases complètement différentes.
Même si tu n’as pas travaillé avec Vincent Collet, qu’est-ce que le sélectionneur est amené à dire dans le cadre de la préparation mentale ?
Je crois que Vincent Collet a beaucoup de chance dans son groupe et je crois que ses cadres savent s’auto-gérer donc il n’a pas grand chose à leur dire. Il doit continuer à appuyer sur les points positifs en évoquant tout ce qu’ils ont fait de bien et c’est déjà bien. Je crois qu’ils n’ont besoin de personne pour être motivés et concentrés, c’est une grande chance pour Vincent Collet donc je pense qu’il a un travail un peu moins important que certains coaches de ce point de vue là. Il doit le faire car on a toujours besoin de rassurer ses joueurs, de leur parler et je crois que c’est vraiment une équipe qui fonctionne avec énormément de discussions. Mais il y a moins ce travail de mise en confiance des leaders. Ce sont des leaders qui ont confiance car ils ont l’habitude de ces étapes et ils ont de quoi avoir confiance.
« Il ne faut pas anticiper la demi-finale »
Néanmoins, j’imagine que dans un quart de finale, la promesse de la demi-finale en cas de victoire reste forcément en tête. Comment un sélectionneur parvient-il à sortir cette idée de l’esprit des joueurs afin d’éviter le danger d’un relâchement ?
Je vais te parler d’une manière très basique mais il suffit de leur expliquer qu’il faut faire le match et pas anticiper sur le match. C’est vraiment l’aspect sur lequel l’entraîneur doit travailler. Je pense qu’un Euro se vit jour après jour, le jour suivant est un autre jour donc avant de poser les pierres suivantes, il faut d’abord mettre la première. Il faut considérer qu’au bout de 40 minutes, si l’on a joué comme on le voulait, on passera à l’étape suivante de toutes façons.
En tant que joueur, c’est facile de réfléchir ainsi ?
Franchement, au début de ta carrière, ce n’est pas simple mais après, quand on a le vécu de cette équipe, je ne pense pas que ce soit le plus difficile. Encore une fois, c’est une question de vécu. Si tu n’en as pas, c’est très difficile de prendre sur soi car c’est évident que tu te projettes. Mais quand tu as du vécu, tu sais que tu as déjà été battu à cette période là, tu sais que ce match est couperet, ton cerveau se met en ordre de marche.
« On va battre les Lettons, je mets mes deux mains à couper »
Lors de notre dernier entretien, tu disais que l’équipe de France allait « massacrer les Lettons ». C’est une équipe très portée sur le jeu extérieur, ce qui n’arrange pas forcément les affaires de la France. As-tu nuancé ton avis depuis ?
Très sincèrement, si l’on est aussi appliqué que lors du match face à la Turquie, je ne vois pas comment ils pourraient nous gêner. Honnêtement, si tu m’avais posé la question après le premier tour, cela m’aurait été difficile de répondre car on ne savait pas trop où nous situer. Mais là, je sais que tous les gars sont concentrés. On sent que les mecs ont envie. Quand je dis « massacrer », je m’emporte peut-être un petit peu mais on va gagner ce match. Je mets mes deux mains à couper sans aucun problème.
Si on gagne ce quart de finale, on affronterait en demi-finale le vainqueur d’Espagne-Grèce. Quel adversaire préfères-tu ?
Honnêtement, je ne sais pas car c’est compliqué dans les deux cas. En ce qui concerne les Grecs, on a quand même un mauvais souvenir avec eux. Du moins, moi, je l’ai toujours en travers de la gorge (ndlr : demi-finale de l’Euro 2005). Ils me font toujours un peu peur. Quant aux Espagnols, on leur a mis la tête bien profond là-bas chez eux donc ils auront forcément à coeur de nous le rendre. Je ne sais pas. Je ne sais pas du tout… J’ai envie de dire l’Espagne car pour toutes les années où ils nous ont martyrisés, ce serait bien de le leur faire subir encore une fois.
Propos recueillis par Jérémy Le Bescont