Stephen Curry, prophète en son pays

Le Chase Center n’avait jamais frissonné d’une telle joie depuis le début de saison. Avec sept minutes à jouer en troisième quart-temps, Stephen Curry profite d’une passe d’Andrew Wiggins pour dégainer à 3-points tout en provoquant la faute de Kyle Lowry. Un, deux, trois, et quatre mimiques pour le meneur des Warriors avec ses doigts avant d’illuminer l’écran géant de son sourire… Le « Chef » est officiellement de retour !

En 27 minutes de jeu, Stephen Curry a terminé avec 23 points, 7 rebonds, et 7 passes décisives, électrisant son public malgré un pourcentage de réussite douteux (6/16 d’adresse générale dont 3/12 à 3-points). Les chiffres n’étaient toutefois que secondaires tant l’impact du double MVP dépasse les limites du terrain.

Une énergie retrouvée dans la Baie

Dès notre arrivée au Chase Center, on pouvait d’ailleurs sentir que cette soirée serait particulière. Il y avait un buzz, une ambiance si chaleureuse qu’il serait difficile de croire que les Warriors ont le pire bilan de toute la NBA. Comme lors des dernières années, le contingent de médias était à son pic, remplissant pour la première fois de la saison la salle de presse. Steve Kerr s’amusait d’ailleurs avant le match à reconnaitre certains visages qu’il n’avait pas vu depuis plusieurs mois.

90 minutes avant le match, lors de l’échauffement de Stephen Curry, c’est une foule monstre qui scrutait ses moindres gestes. Plus appliqué et sérieux qu’à l’accoutumée, il enchainera notamment cinq tirs de suite depuis le logo pour faire gronder des témoins abasourdis… Oui, le double MVP est bien de retour !

« L’énergie dans la salle était folle, » confirmait d’ailleurs Marquese Chriss. « Même à l’échauffement, on pouvait vraiment ressentir que l’ambiance était différente par rapport à d’habitude. » Andrew Wiggins, qui jouait son premier match avec Stephen Curry, partageait la même impression. « Dans le groupe, quelqu’un a fait remarquer qu’on aurait dit que c’était le premier match de la saison tant l’énergie était dingue. »

Le Chase Center a vraiment pu laisser exploser son anticipation lors de la présentation des équipes, offrant une ovation assourdissante à son protégé. Les 18 000 spectateurs attendaient avec impatience le premier panier du double MVP mais Stephen Curry a laissé le jeu venir à lui, profitant de toute l’attention de la défense canadienne pour distribuer plusieurs caviars, dont une passe laser dans le dos main gauche pour Andrew Wiggins. Et s’il a fallu attendre le deuxième quart-temps pour voir le meneur marquer son premier tir, dans ses mouvements et dans son intensité, rien ne laissait paraitre qu’il venait de manquer 58 matchs.

La « superstar la plus altruiste » pour Andrew Wiggins

L’intéressé est pourtant passé par un petite période d’adaptation. « C’était bizarre, tout semblait aller assez vite, » concède-t-il. « Vous ne pouvez pas simuler l’intensité et la vitesse d’un vrai match mais je me suis senti mieux que ce que à quoi je m’attendais. C’était cool de ressentir l’excitation et l’engouement dans la salle. »

Cette frénésie était également palpable sur le terrain car à l’exception de Damion Lee, aucun autre joueur des Warriors n’avait joué avec Stephen Curry plus de cinq matchs. L’ajustement à sa présence sur le terrain est toutefois facilitée par le fait qu’il ouvre le jeu pour ses coéquipiers et qu’il leur rend la vie beaucoup plus simple.

« Il change complètement la physionomie de notre jeu quand il est sur terrain. Nous sommes une équipe totalement différente quand il est là, » s’exclamait Steve Kerr après la rencontre. Ses propos étaient d’ailleurs confirmés par Marquese Chriss et Andrew Wiggins. « Être sur le terrain avec un joueur qui attire autant d’attention, ça aide tout le monde, » disait le pivot avant de laisser sa place à l’ailier au podium de la salle de presse.

« Il rend tout le monde meilleur, il trouve toujours le joueur ouvert, c’est la superstar la plus altruiste, » décrivait Andrew Wiggins. « Il prend toujours la bonne décision, c’était vraiment fun ! »

Les Raptors ont ressorti la fameuse « boîte »

Malgré cette absence prolongée, Stephen Curry a en effet posé son empreinte et son aura sur le match. Les Warriors ont joué à son image et sur son rythme, et les chiffres le montrent. Malgré une maladresse collective, ils ont délivré 34 passes décisives et pris 52 tirs à 3-points, un nouveau record pour la franchise. Nick Nurse a même du recourir à la même stratégie défensive que lors des Finals pour limiter le meneur adverse.

« Ils ont ressorti leur boite ! » s’amusait Stephen Curry. « J’ai souri à Nick Nurse, je ne sais pas s’il l’a vu. Je ne sais pas si d’autres équipes feront de même mais je suis prêt à tout. On a un calendrier difficile à venir mais c’est une bonne opportunité pour nous mesurer à des équipes qui vont faire les playoffs. »

Cette nuit, Andrew Wiggins, Eric Paschall, Damion Lee, Dragan Bender et Marquese Chriss se sont retrouvés grand ouvert à plusieurs reprises et, pour Steve Kerr, c’est un prélude à la façon dont les Warriors joueront pour finir la saison mais aussi lors du prochain exercice.

« À bien des égards, son retour marque le début de la saison prochaine, » explique-t-il. « On commence à avoir une vision plus claire de notre effectif et avoir Steph de retour est super important parce que tout part de lui. La prochaine étape, c’est de retrouver Klay, même si ça ne sera pas avant la saison prochaine, mais ces vingt derniers matchs vont vraiment nous propulser vers l’année prochaine. Je pense que l’énergie et l’enthousiasme vont rester élevés. »

Le début de la prochaine saison

Les Warriors ont enfin retrouvé leur moteur, celui qui personnifie la joie de jouer que prêche tant Steve Kerr. Le score final n’était d’ailleurs anecdotique. Si la Dub Nation a jusqu’ici apprécié la grinta de sa jeune équipe, jamais le Chase Center n’était entré en communion avec cette dernière comme elle l’a fait cette nuit.

Après avoir vu Golden State revenir à égalité en début de quatrième quart-temps, la foule a d’ailleurs entonné le chant en l’honneur des Warriors. En fermant les yeux, on se serait cru à l’Oracle Arena. Cette nuit, le Chase Center a retrouvé ses Warriors et l’espoir de voir une dynastie renaitre de ses cendres. Tout ça grâce à Stephen Curry et à l’impact qu’il a sur une franchise, une ville et une région qui n’a d’yeux que pour lui.

« Pour moi, j’ai l’impression que c’est reparti, » décrivait Steve Kerr, lui aussi regonflé à bloc. « Comme je le disais avant le match, on voit enfin la lumière au bout du tunnel et maintenant on peut commencer à regarder vers l’avant. » L’adrénaline, la joie, l’altruisme, l’optimisme… La recette du succès récent des Warriors recommence à prendre forme. Logique, le « Chef » est officiellement de retour.

Propos recueillis à San Francisco.