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L’autre Français de la NBA : Fabrice Gautier, l’homme aux mains d’argent

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Ostéopathe, Fabrice Gautier est connu en France pour son travail auprès de l’équipe de France de basket entre 2009 et 2013, l’année du titre européen. De son enfance dans le Val d’Oise, rien ne le prédestinait à rejoindre la douceur du coucher de soleil de Los Angeles. Aussi affable que précis, le thérapeute a des milliers d’anecdotes à conter. Dans son cabinet de Beverly Hills, il rencontre des patients anonymes comme des athlètes de haut niveau mais il prête également son expertise aux Los Angeles Clippers, tout en traversant régulièrement les États-Unis pour superviser à titre privé des joueurs bien connus de la NBA.

En premier lieu, comment a eu lieu cette rencontre avec le basket ?

Très vite, très tôt, l’objectif était joueur de basket mais j’ai toujours eu un plan B, en fait. En lisant Maxi-Basket, j’ai vu que Richard Dacoury faisait ses études de kiné. J’avais des petites blessures à droite, à gauche et j’ai trouvé que la kiné était une bonne idée. Quand j’étais gamin, j’avais toujours une bande velpeau et je faisais toujours des straps tout seul. C’est un peu comme si cette idée était déjà là, en suspens et puis, j’ai trouvé ma voie. Après mon diplôme de kiné, je ne jouais plus au basket en raison d’une fracture de fatigue. Je me suis occupé d’une équipe de rugby, l’ASPTT Paris puis Bobigny et en fait, à force de faire des entraînements, j’étais en forme, costaud, grand, les mecs m’ont proposé de jouer avec eux. Je me suis donc pris de passion pour le rugby et j’y ai joué pendant trois ans.

Pourquoi ce départ à Los Angeles ? 

Je suis tombé amoureux de la ville. J’étais vraiment un énorme fan des Lakers mais pendant longtemps, je ne suis même pas allé voir un seul match au Forum (d’Inglewood, l’ancienne salle occupée par les Lakers avant le Staples Center). Il a fallu attendre un match de pré-saison entre les Lakers et Golden State avec Ronny (Turiaf) pour que je me rende au Forum. Si tu veux, je n’ai pas du tout bossé dans le basket en France. Du tout. Et ça s’est fait par hasard ici, par des patients, notamment parce qu’au moment où Ronny Turiaf est arrivé aux Lakers, on a tout de suite sympathisé et accroché. De fil en aiguille, j’ai rencontré Boris et Tony, ainsi que le médecin et le kiné fédéral et ça m’a emmené en équipe de France en 2009 quand ils ont eu besoin. Je pense qu’ il y avait une demande de leur part, pour un poste supplémentaire d’ostéo et ils m’ont recommandé auprès de la fédération.

Dans votre cabinet, il n’y a pas que de sportifs de haut niveau. Est-ce que c’est une volonté de voir d’autres contextes ?

Au cabinet, j’ai des gamins de onze, douze ans qui font du sport jusqu’à des papys et mamies de 80 ans, et de temps en temps, j’ai un Giancarlo Stanton (joueur des Miami Marlins en MLB), Victoria Azarenka (joueuse de tennis) qui continue à venir car même si elle est enceinte, on travaille sur d’autres choses. J’ai donc des athlètes de très haut niveau et des gens de tous les jours.  Oui, c’est une volonté car ne faire que de l’athlète de haut-niveau, ce n’est pas bon pour moi, il faut garder un pied dans la réalité de quelqu’un qui a de l’arthrose, d’autres soucis.

Au service d’une dizaine de joueurs NBA

De quels joueurs vous occupez-vous actuellement ?

Aujourd’hui, je m’occupe de Bismack (Biyombo), plutôt dans l’intersaison ; Joakim (Noah) et Carmelo (Anthony), Eric Gordon, Tony (Parker) quand il vient ici, Boris (Diaw) et Rudy (Gobert), Nico (Batum), Evan (Fournier), Wang Zhelin (drafté par les Grizzlies cet été) qui va être une bombe. Wesley Matthews, et les gars des Clippers, même si pour l’instant, il n’y en a qu’un et je leur souhaite que cela reste ainsi. Je suis très proche d’Ian Mahinmi mais c’est plus ponctuel. Via Evan, j’ai commencé à travailler avec Nikola Vucevic, qui est très sympa, francophone, un gars très marrant. Via Nico, j’ai travaillé aussi avec Michael Kidd-Gilchrist. Il y a aussi un peu de baseball, un peu de tennis.

Comment se retrouve-t-on à travailler pour les Clippers ? 

Cela faisait trois ans que Jasen Powell, l’athletic trainer des Los Angeles Clippers, voulait qu’on trouve une solution pour que je travaille pour lui. En fait, il était intéressé par rapport à mon rôle avec l’équipe de France, il savait ce que je fais en ostéo et en kiné, il a fait ses petites enquêtes, il a demandé à plusieurs joueurs et ce qui l’a marqué, c’est quand j’ai soigné Wesley Matthews l’an passé. Jasen Powell avait déjà souffert d’une rupture du tendon d’Achille et quand il a vu qu’on avait ramené Wes en sept mois, ça l’a convaincu.

Vous avez commencé avec un joueur en particulier ?

Le premier blessé, c’était Brice Johnson, victime de la même blessure qu’Antoine Diot (canal lombaire). Je n’attaque pas avec le truc le plus facile parce que le gamin est… bon, on essaye actuellement de le récupérer mais c’est pas une entorse de cheville, tu vois ? J’ai donc commencé huit jours après qu’il se soit blessé et j’y vais trois fois par semaine, le lundi, mercredi et vendredi et le deal, c’est qu’en cas de blessure d’un de leurs joueurs, je m’occupe de leur rééducation, je suis leur consultant en externe. Fan des Lakers, j’étais un peu mal en mettant le polo Clippers et finalement, ce groupe est très sympa, ça se passe très bien pour l’instant et on verra où ça m’emmène. De plus, il y a Doris Martel (thérapeute française) qui bosse là-bas, également très appréciée et c’est marrant de se retrouver entre deux Français là-dedans.

Vous venez d’évoquer Brice Johnson, drafté cet été par les Clippers. Dans quel état psychologique récupère t-on un athlète de haut niveau après une blessure ?

Brice, c’est sa première grosse blessure, donc c’était terrible pour le gamin. C’est sa première saison et tout s’est écroulé. Puis, tout doucement, ça repart. Il se reconstruit et ça va mieux. Je pense que c’est propre à chacun. J’ai eu Shay Murphy, une joueuse de WNBA qui a joué à Bourges. La nana est arrivée et elle avait un genou… Je ne peux pas te dévoiler les détails, mais ce n’était pas beau et pourtant, elle est arrivée avec un sourire et une motivation immenses. J’avais rééduqué Jacki Gemelos (joueuse WNBA) qui s’était fait cinq croisés et elle m’a dit : « Si tu as pu faire ça, je veux travailler avec toi ». Elle m’a redonné la pêche. Voilà, tu as des gens en-dessous de tout, d’autres déterminés et après, ça s’équilibre. Mais c’est vraiment propre à chacun, cela dépend de ta manière d’approcher la blessure et l’obstacle. Pour certains qui n’ont jamais eu d’obstacle dans leur vie, cela peut être compliqué. Pour d’autres, c’est juste un obstacle de plus.

carmelo anthony

Des liens profonds avec les athlètes

À force de poser ses mains sur les athlètes, il y a des liens qui se construisent. Par exemple, parlez-nous de Carmelo Anthony. Outre son statut de superstar, c’est un joueur dont la réputation est parfois malmenée. 

Je le vois l’été, je vais le voir à New York environ cinq fois dans la saison, plus ou moins selon les playoffs. Carmelo vit dans une ville à part, c’est New York. Je ne sais pas s’il a une mauvaise réputation mais déjà, dans ses relations personnelles, il est complètement normal, complètement naturel. Et cet été, avec Team USA, il a prouvé à tout le monde qui il était. C’est lui qui a mené cette équipe. D’un point de vue public, ce qu’il a fait cet été, avec ses prises de position, j’ai trouvé ça formidable de sa part. J’ai commencé avec Carmelo Anthony en 2010, je crois. Il avait 24 ans. À l’époque, ce qui m’avait marqué chez lui, c’était de voir ce gamin en provenance de West Baltimore, Brooklyn, etc… et notre première séance ensemble, on a discuté de vins de Bourgogne et il était au top, il connaissait tous les vins.

Un avis sur le joueur en lui-même ?

Après, tu vois ce gamin faire son parcours et peut-être qu’il gagnera son titre sur la fin et là, il mettra tout le monde d’accord. On peut peut-être revenir sur sa période avec Jeremy Lin et Mike D’Antoni, est-il irréprochable ou non ? Je ne sais pas… On oublie aussi qu’il a fait ses finales de conférence Ouest avec Denver face aux futurs champions en 2009. L’année où ils perdent contre Indiana (avec New York, en demi-finale de conférence Est face aux Pacers), il suffisait peut-être qu’il se contente d’un lay up plutôt que d’essayer de dunker sur Roy Hibbert pour passer et aller en finale contre Miami. Ça ne se joue pas à grand chose, tu vois ?

Qu’en est-il des Français que vous pouvez côtoyer ? On imagine que vous avez un regard particulier sur Nicolas connu très jeune (en 2009) et qui est aujourd’hui un joueur reconnu.

J’ai regardé son match face aux Knicks, il prend deux tirs un peu compliqués à la fin mais il finit quand même proche du triple double. Il est connu pour ça, son côté couteau-suisse. On a tous envie de le voir marquer trente points par match parce que je pense qu’il en est capable mais après dans quelle mesure, cela signifie de lui faire perdre son identité ? C’est la même discussion que l’on a eu pendant longtemps avec Boris. C’est leur nature : ils préfèrent faire la passe, mettre leurs coéquipiers dans de bonnes positions et ils ne pensent pas à eux. Et c’est l’un des aspects positifs de notre apprentissage du basket en France. Tu fais tourner le ballon. Nico a des qualités athlétiques exceptionnelles, est-ce qu’il les utilise à fond ? Peut-être pas, on peut toujours faire plus mais au sein de son équipe, il est aussi important que Kemba Walker qui met ses 25 points par match. S’il n’est pas là… Au fond, c’est pareil avec Tony, il ne met plus ses 20 points par match, il s’est fait un peu mal au genou (début novembre) et les journalistes de San Antonio réclament l’insertion définitive de Patty Mills dans le cinq mais au bout du compte, les Spurs perdent leurs trois matchs sans Tony car Tony fait d’autres choses. Il organise, il temporise, il maîtrise, c’est le chef d’orchestre. J’aimerais voir Tony comme il était avant mais il y a une évolution obligatoire dans le jeu des mecs. Et malgré tout, quand il y a besoin, il peut encore jouer comme le Tony d’avant, comme lors du troisième quart-temps contre les Lakers où il a pris feu.

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Quatre ans d’un parcours sinueux avec l’Équipe de France

Cela nous amène logiquement vers l’équipe de France avec laquelle vous avez travaillé durant quatre ans. En quoi cela consistait ? Davantage de la préparation, du soin ou les deux ?

Ce sont les deux, il y a le travail estival qui précède la compétition, puis durant. Il y a la phase de préparation où tu dois récupérer des mecs qui sont à des niveaux différents de santé, donc il faut corriger, améliorer et c’est un travail d’équipe, c’est avec les deux autres kinés, le médecin, le coaching staff et le préparateur physique. C’est un travail où on essaye de les préparer du mieux possible pour aller attaquer un Euro, un Championnat du Monde ou les Jeux Olympiques, des compétitions qui ne durent que deux ou trois semaines.  Mais j’étais aussi une sorte d’agent durant l’année, ici, pour suivre les mecs pendant la saison NBA, pour garder un lien et faire les révisions. Il y a eu aussi cette partie-là dès 2009 car c’est cette année que Tony s’est tordu la cheville. On a été rappelé à San Antonio, ce qui m’a permis de rencontrer (Gregg) Popovich, R.C. Buford, des gens qui se sont pris de confiance en moi.
Maintenant, je ne m’occupe plus de l’équipe de France depuis le titre, mais je suis toujours en contact avec eux, notamment durant l’été quand il y a des problèmes : Patrick Beesley ou les franchises m’envoient un email et je sers toujours un peu de lien.

Justement, en termes de préparation, lors du dernier Euro sur le sol français, on a par exemple vu Tony Parker se préparer d’arrache-pied pour parvenir à une forme optimale le jour J. Cela n’a pas fonctionné. À quel point est-ce une science exacte ? 

Je n’ai pas les détails sur cet Euro car je n’étais pas là mais je peux parler de celui de 2011 : la préparation qu’il a faite en 2010, il n’a pas fait les championnats du Monde et il s’est préparé ici pendant six semaines. Derrière, avec les petites retouches effectuées et les phases de repos en 2011 lui ont permis d’être en forme optimale. 2016, j’ai vu ça du côté spectateur et il n’avait pas l’air au top. Mais cela peut aussi s’expliquer par l’impact d’une préparation chez toi avec toutes les sollicitations que cela entraine, le rythme des matchs de préparation, les déplacements, le changement d’équipe…. Il y a pleins de facteurs que tu ne contrôles pas forcement toujours.
Dans une préparation, il y a des choses que tu peux faire : il y a des cycles, des micro-cycles, il y a vraiment une périodicité du travail physique mais c’est davantage quelque chose à faire sur une saison avec un club qu’avec l’équipe de France, où le temps de préparation est court et les niveaux de forme hétérogènes. C’est quelque peu un leurre de penser qu’il est possible de s’assurer d’être en forme optimale tel jour, par exemple pour un quart de finale. Tu peux t’en approcher, te donner des chances pour y arriver ou du moins t’éloigner de la médiocrité physique mais c’est dur d’avoir des certitudes parce que ça se joue aussi là-haut (il pointe la tête). Et pour te parler de ce que je connais, en 2013, Tony n’était pas forcément au top physiquement non plus mais il avait décidé de laisser le cerveau au vestiaire et de mettre le feu contre la Slovénie et l’Espagne.

« Tony Parker, un extra-terrestre »

Quels sont les Français qui vous ont le plus impressionné ?

Tony, c’est sûr. C’est un extra-terrestre. Tony, c’est dans sa discipline de travail, son éthique et son mental. Il a aussi ce côté où il n’est jamais abattu. Il est demandeur. Par exemple, pour l’Euro 2013, tous les jours à 6h30, on était dans la salle de muscu avant d’aller au match, il y avait toujours une routine de travail très minutieuse. Si tu veux… avant d’aller au titre, on a vraiment vécu de grosses déceptions et l’une des plus grosses était le quart de finale des Jeux Olympiques (en 2012, à Londres). Or, trois heures après, il était dans la chambre avec nous, avec les coachs, et il pensait déjà à l’avenir, il n’a jamais été abattu. Comme il le dit, c’était « les Dieux du basket », c’est le sport et il faut repartir. Ça, ça m’a impressionné. Ça m’a même aidé personnellement, dans mon travail dans la vie de tous les jours. Quand on a été à Fécamp à 7h00 du matin pour le faire courir autour de la piste avec le vent normand dans la tronche, de voir qu’au bout de deux jours, il n’y avait plus que lui et moi et le gars te dit : « Tu vois, c’est pour ça que je suis là. » Ce sont des choses qui te marquent, qui font que tu appliques les mêmes principes après, dans ta vie au quotidien.

Hormis Tony ?

Après, il y a Joakim. Beaucoup de gens oublient que lorsqu’il est arrivé en 2011, il a changé beaucoup de choses par sa fougue, son énergie, son éthique de travail. Son surnom était même « Cheval furieux ». C’est un vrai travailleur, oui. Je pense même que c’est un hyperactif, il en a besoin. À son arrivée, il a changé les choses : Tony et lui ensemble, et bien, c’était pas mal ! On est évidemment tous déçus car on aurait voulu en avoir plus mais lui, c’était aussi très impressionnant. Il y a aussi Boris avec son côté humain, chaleureux, etc… Tony l’est aussi chaleureux, d’ailleurs. Ronny, c’est différent parce qu’on est super proches. Ce que je trouve très sympa, c’est que cette histoire a démarré avec une liste de 30. À l’époque, par exemple, lors du premier match en Italie, il y avait Antoine Diot, le minot qui met ses quatre lancers-francs. Il y avait aussi (Johan) Petro qui était aussi dans le groupe. Après, il y a les blessures, les coupés, tout ce que tu veux et finalement, au Championnat d’Europe, Petro est encore là. C’est vachement sympa. L’équipe de France est un groupe élargi et tous ces mecs ont participé à cette aventure.

En tant qu’ostéopathe,  avez-vous connu de grosses frayeurs avec la sélection ?

Jamais de frayeur. On n’a jamais eu peur de quoi que ce soit, mais le jour où on a pris l’avion pour rentrer à San Antonio, je n’étais pas rassuré, c’est vrai. Je pensais qu’ils allaient m’attendre avec un fusil et en fait, ils ont été adorables. Après, on avait fait du bon boulot mais ils ont été objectifs sur le travail effectué. C’est la seule petite peur vécue. Les deux plus grosses déceptions pour moi en termes de blessure, c’est la fracture de la main de Ronny, qui ne va pas à l’Euro avec nous (en 2011). Je pense toujours que s’il vient, on le gagne. Honnêtement. Joakim et lui ensemble, cela aurait été très solide, défensivement surtout. Il y aussi Antoine Diot, avec son fragment de disque qui se baladait dans son canal lombaire et qui n’a pas non plus pu venir à l’Euro 2011. Ce sont les deux grosses blessures qu’on a eu (il touche du bois). Hormis la première cheville de Tony, en fait, on n’a plus rien vraiment eu. Pendant cinq ans, on a été épargné, donc c’est cool.

Ronny Turiaf

« Pour moi, c’est tellement dur de juger la carrière d’un sportif »

Vous évoquez souvent Ronny Turiaf. À quel point votre relation est profonde ?

Je suis proche un peu de tout le monde car au fur et à mesure, tu développes des liens mais je le suis particulièrement de Ronny. En premier lieu, c’est un rescapé. Pour te donner l’histoire, je le rencontre avec Christophe Carmarans (à l’époque, correspondant pour L’Équipe), c’était la summer league de Long Beach. Je vois Ronny, un athlète extraordinaire qui dunke sur tout le monde, je ne l’avais pas vraiment suivi en NCAA. On se rencontre à la fin du match, on se prévoit un restaurant dans le week-end et le vendredi, on lui annonce qu’il doit se faire opérer du coeur. Le mec passe sur la table d’opération, il se fait ouvrir le sternum dans une opération à coeur ouvert. Quelque part, la carrière de Ronny, la première minute sur un terrain, c’est que du bonus, quoi ! Après, les gens peuvent toujours dire qu’il aurait pu faire mieux mais…

C’était ma question : n’est-ce pas parfois compliqué pour les joueurs d’être reconnu à leur valeur sur leur propre sol ? Ronny est champion NBA, c’est dix ans de carrière mais la blague sur le tourneur de serviette lui colle à la peau.

La meilleure chose à retenir, c’est que je parle souvent avec beaucoup de gens et il est apprécié de toutes les franchises où il est passé. Ce n’est pas Tony Parker mais c’est Ronny Turiaf : il a gagné un titre, il a contribué, alors on peut dire qu’il n’a pas beaucoup joué mais les joueurs ont aussi un rôle énorme dans l’environnement d’une équipe. Si tu t’arrête aux facteurs points, rebonds, stats, ok. Mais le gars a quand même joué dix ans en NBA. Si tu prends le nombre de joueurs français qui ont joué dix ans en NBA, il n’y en a pas beaucoup. Pareil pour des Américains, d’ailleurs. C’est tellement dur ! Il y a 430 joueurs qui sont élus et tous les ans, il y en a 60 qui arrivent donc à peu près autant qui partent. Ce que je vois, c’est que le mec est arrivé dans un contexte où les chances n’étaient pas trop de son côté : un fou de foot et fan de Bernard Lama, un début tardif dans le basket, Martinique, Insep…

Puis une fac’ méconnue…

Il va à Gonzaga, je pense qu’ils se souviennent de lui, tu vas aux Lakers, tout le monde l’adore, Kobe aussi. Ne serait-ce que cela, ça parle. C’est dur de juger la carrière de quelqu’un. Personnellement, j’ai déjà du mal à juger les joueurs parce que même si tu vois un mec incapable de mettre un lancer-franc, il est en NBA. N’importe quel sportif, c’est compliqué d’en dire du mal, ne serait-ce que parce que je n’ai moi-même pas réussi, par exemple. Je voulais le faire et je n’y suis pas arrivé. Après, chez nous, on aime bien cracher et déblatérer sur les gens. Tony s’est pas mal fait cracher dessus aussi et maintenant, voilà… J’ai lu des trucs sur Nico Batum aux J.O mais les gens ne savent pas la moitié de ce qu’il se passe réellement. Il y a plein de facteurs qui interviennent et derrière ton poste de télé, c’est toujours facile de critiquer. On oublie aussi qu’ils font partie de la génération du basket français la plus titrée de l’histoire et tous ont apporté leur écot.

Quand on parle des pionniers français de NBA, on évoque souvent les joueurs. Finalement, vous sentez-vous comme un pionnier ? 

On en rigolait avec Bouna (Ndiaye, fondateur de Comsport, agent de Nicolas Batum, Ian Mahinmi, Rudy Gobert, etc…) parce qu’il est comme moi, du Val d’Oise. Il est de Cergy-Pontoise, je pense qu’on a joué l’un contre l’autre dans les Nike Raid Outdoor, ce genre de tournois etc… Je ne sais pas si je devrais dire ça mais pour le dernier match de Kobe, il m’appelle pour me dire qu’il a une place pour moi comme il y a Rudy à Utah. En fait, j’avais des trucs à faire et…

Vous déclinez l’invitation ?

Je n’y vais pas (il sourit). Je lui envoie de nouveau un message le lendemain et je lui dis : « Imagine il y a vingt ans si on avait eu cette opportunité d’aller à ce dernier match, on aurait tué père et mère pour prendre l’avion. On y serait allé en charter, 40 heures de vol s’il le fallait pour aller voir le truc. » C’est assez marrant de voir ça. Donc, pionnier, quelque part oui. D’une part, il n’y a pas beaucoup d’ostéos. Je pense que le premier vrai poste en équipe de France a été créé pour moi. Il y a Doris qui bosse avec moi aux Clippers aussi. J’ai rencontré récemment Jean-Baptiste Laporte, kiné qui bosse pour les Carolina Panthers. C’est marrant, on discute de nos expériences, lui aussi est un pionnier. Comme Bouna aussi, il est arrivé en 98 (à Dallas). Moi, je suis arrivé en 99 et j’ai commencé à bosser avec des joueurs NBA en 2004 ou 2005. Ronny a été drafté en 2005 et j’ai commencé à travailler un an avant avec Sacramento. Je crois qu’il y avait quelque chose de l’ordre de la destinée.

« Je me pince toujours »

Titré en 2013 avec l’équipe de France, des amitiés avec des joueurs NBA de Tony Parker à Carmelo Anthony, un rôle de consultant pour les Clippers… Au regard de ce parcours, est-ce que vous… (il coupe)

Je me pince toujours, si c’est ça que tu me demandes. Je me pince car même si je n’avais eu qu’un seul joueur entre les mains, j’aurais été heureux. Venant de France, quand je suis arrivé ici, je ne connaissais personne. Si on m’avait dit tout ça, j’aurais signé vingt fois. Il y a la mentalité américaine : quand je suis arrivé ici, j’étais content et je me disais : ‘pourvu qu’il ne se passe rien de mauvais’, au lieu de me dire ‘c’est pas mal, mais cela peut encore être mieux’. Or, tu peux continuer à progresser tout en respectant tes valeurs. J’essaye de progresser et tu vois où ça t’emmène. Quand je suis arrivé ici, je ne pensais jamais que je travaillerai pour les Clippers. En France, j’avais de bonnes blagues sur les Clippers, tu vois (il sourit). Peut-être qu’un jour, je travaillerai pour les Lakers, j’en sais rien mais pour l’instant, je me pince tous les jours et je profite. Pour un fan du basket… Je ne sais pas si je peux dire fan de basket car je ne suis pas forcément une groupie des joueurs mais…

Fan du jeu ?

Oui, fan du jeu. Pour te donner un exemple, après le titre en 2014 avec les Spurs, j’étais là-bas avec Tony. Les gens te disent toujours que Tony est froid, etc… Après le titre, il est venu nous chercher. Nous étions huit ou une dizaine. Il nous a dit : ‘Mettez-vous dans le coin de la porte des vestiaires. Dès qu’on sabre le champagne, je vous ouvre et vous rentrez.’ Le gars voulait partager ça avec ses proches. Il nous mettait du Dom Perignon dans la bouche (il rit). Depuis ce titre, avec la qualité du basket qu’ils ont proposée, je n’ai presque pas regardé de basket, c’était fade. Golden State a redonné un peu d’envie mais le reste était fade par rapport à toute cette série. Le dernier est extraordinaire quand Manu va dunker sur Chris Bosh, tu sais que c’est plié. Tu vois, j’ai des frissons. Pour en revenir à ta question : tous les jours, je me pince pour le croire.

(Propos recueillis à Los Angeles)

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