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Dream Team : les 25 ans du « plus grand match que personne n’ait jamais vu » (1)

En 1992, les Jeux Olympiques de Barcelone ont permis de voir l’une des plus belles constellations d’étoiles jamais assemblées dans le sport grâce à la « Dream Team ». Dans le cadre de leur préparation, les Américains s’étaient arrêtés à Monaco où ils avaient affronté la France en match amical. Si leur séjour en Principauté est resté dans les mémoires, ce n’est pas seulement pour la rencontre entre l’équipe de Chuck Daly (RIP) et le Prince Rainier (RIP), c’est aussi pour un entraînement féroce qui opposa le TEAM MAGIC JOHNSON, en bleu – Christian Laettner, Charles Barkley, David Robinson, Chris Mullin, Magic Johnson -, au TEAM MICHAEL JORDAN, en blanc – Larry Bird, Karl Malone, Patrick Ewing, Scottie Pippen, Michael Jordan. C’était il y a 25 ans jour pour jour…

Il faut restituer le contexte : les plus grandes stars du basket américain étaient là (il ne manquait qu’Isiah Thomas, écarté pour les raisons que l’on sait). Cette opposition tourna à une sorte de guerre d’egos, de combat de coqs. Il s’agissait de montrer qui était le vrai boss de la NBA (d’aucuns diront « Qui avait la plus longue… »). En 1992, Michael Jordan vient de réaliser le back-to-back (4-2 contre Portland) mais la vieille garde a du mal à admettre que le pouvoir a changé de mains. Et cela fait des étincelles.

Ce match d’entraînement est admirablement narré dans le livre de Jack McCallum « Dream Team », paru l’année dernière aux éditions Talent Sport et dont on ne saurait trop vous conseiller la lecture. Extraits.

Chapitre 28 – Le plus grand match que personne n’ait jamais vu

 

« Ils ont tout simplement déplacé le Chicago Stadium à Monaco. Voilà ce qu’ils ont fait »

L’arbitre, un monsieur originaire d’Italie dont personne ne semble se rappeler le nom, dribble vers le milieu du terrain et interroge du regard son collègue, le coach assistant de la « Dream Team » P.J. Carlesimo, pour savoir si tout est prêt. Carlesimo est prêt, bien que « prêt » soit relatif dans ce cas car la participation de P.J. pendant les quarante prochaines minutes sera limitée, donnant une nouvelle dimension à la phrase « Avaler le sifflet ».

Si le monsieur originaire d’Italie devait tout recommencer, je suis sûr qu’il remettrait le ballon à Carlesimo et emprunterait rapidement la sortie la plus proche du Stade Louis-II, le gymnase omnisports situé dans le quartier de Fontvieille à Monaco. Il était en passe de devenir l’homme le plus malchanceux de la ville, même en incluant ceux qui lâchaient de grandes quantités de francs français aux tables de jeu.

Il lance l’entre-deux entre Patrick Ewing et David Robinson. Robinson touche la balle le premier – de façon illégale, carle ballon étant encore dans sa phase ascendante – et l’envoie en direction de son propre panier. Le coéquipier de Robinson dans l’équipe bleue, Christian Laettner, court pour disputer le ballon à Scottie Pippen. Notez bien ceci car c’est la première et la dernière fois que cette phrase figurera dans les tablettes de l’histoire : Laettner a gagné le ballon contre Pippen. Laettner fait une passe dans le dos à son coéquipier bleu Charles Barkley, qui l’attrape, prend quelques dribbles et s’infiltre entre Michael Jordan et Larry Bird. Jordan saisit le poignet de Barkley, le sifflet retentit et Barkley rentre le lay-up.

« On joue les lancers, on joue les lancers ! », hurle Chuck Daly, à la façon du personnage des « Affranchis » Jimmy Two Times. C’est le matin et il n’y a presque personne dans les tribunes. Daly essaie de reproduire les conditions de match parce que même les meilleurs des meilleurs ont besoin d’un coup de pied au cul de temps en temps. Tandis que Jordan réclame une serviette – il fait extrêmement humide dans la salle et presque tout le monde transpire un peu d’alcool -, Barkley réussit son lancer franc.

Equipe bleue Magic Johnson 3 – Equipe blanche Michael Jordan 0

Ainsi s’engage le plus grand match que personne n’ait jamais vu. Environ douze heures plus tôt, les États-Unis terminaient un match amical contre l’équipe de France. Le prince Rainier avait demandé à ce que Daly, son pote d’anniversaire, soit assis à côté de lui pour lui décortiquer les nuances du jeu qui pourraient lui échapper, comme par exemple le fait que les coaches soient assis sur le banc. Après quelques explications, Rainier a accepté que Dave Gavitt vienne le remplacer.

France-USA a eu exactement le profil d’un match amical à Monaco. Il a été affreux. Les joueurs étaient encore en cours d’acclimatation aux conditions – c’est-à-dire aux collines du terrain du Country Club de Monaco et aux rythmiques et basses puissantes des nuits du Jimmy Z’s – et même l’inépuisable Jordan était fatigué après avoir couvert 18 trous et être rentré au Loews peu avant 20h30 pour le coup d’envoi. L’un de ses partenaires de jeu avait été Daly et il avait décrété : « C’est une journée à deux Nurofen et trois Advil. » La « Dream Team » était à la ramasse. Elle a même permis à la France de mener 8-2 puis 16-13 avant de se réveiller puis de l’emporter 111-71.

Mais ça n’avait pas d’importance pour les fans qui avaient englouti les 3 500 billets disponibles aux guichets en 15 minutes frénétiques, quelques jours plus tôt. Comme cela avait été le cas au Tournoi des Amériques à Portland, les gars de l’équipe adverse, dont au moins une demi-douzaine avaient apporté leurs appareils photo sur le banc, ont été jugés héroïques pour être tombés au champ d’honneur. Et il n’y avait assurément aucun sentiment de déshonneur au sein de la famille princière – Rainier était rayonnant comme un collégien quand Magic a grimpé dans sa loge pour une séance photo.

Francis Jordane, le coach de l’équipe de France, était le plus heureux de tous. « Il était très enthousiaste parce qu’il s’imaginait que son nom de famille lui donnerait des entrées pour accéder à Michael. Nous avons pris une photo et effectivement, il y a Jordane à la droite immédiate de Jordan, son bras sur son épaule », se rappelle Terry Lyons, membre de la NBA.

Après le match, la nature pessimiste de Daly a commencé à prendre le dessus et au petit-déjeuner, le lendemain matin, il avait décidé que son équipe se bougerait un petit peu plus que ça. La « Dream Team » avait fait plusieurs cinq-contre-cinq avant ce jour fatidique. Quelques-uns s’étaient terminés par un match nul diplomatique étant donné que Daly refusait de laisser jouer une prolongation. Il répartissait habituellement les équipes par conférence mais ce jour-là, John Stockton était toujours à l’infirmerie et Clyde Drexler était forfait à cause d’une légère blessure. Dieu seul sait ce qui se serait passé si Drexler avait été disponible. Jordan avait déjà pris le pli de soumettre « The Glide » à la torture pendant les cinq-contre-cinq, rappelant ainsi les Finales NBA toutes fraîches, et de chambrer Drexler d’un « Arrête-moi cette fois ! ».

(Jordan continue de décrire Drexler comme le « Michael Jordan du pauvre ». Il l’a vraiment dit. « Je voulais défier Clyde chaque fois que je le pouvais à l’époque, m’a dit Jordan à l’été 2011. Quand on les a joués en Finales [en 1992], nous avons été comparés et je voulais montrer que la différence entre lui et moi était grande. Je savais comment penser le jeu. Clyde ne joue que d’une seule façon – tête baissée, il fonce droit au but. Grosse différence. » Nous savons déjà ce que pense Drexler de cette analyse.)

Donc, avec deux joueurs de moins à l’Ouest et seulement deux véritables arrières, Magic Johnson et Michael Jordan, Daly a mis Magic, Barkley, Robinson, Mullin et Laettner dans l’équipe bleue, contre Jordan, Malone, Ewing, Pippen et Bird dans l’équipe blanche.

Quel que soit le résultat, il y aurait peu de témoins. Cela se passait presque à huis-clos. Les médias n’ont été autorisés à entrer que pour la dernière partie de l’entraînement. Les officiels d’USA Basketball avaient même jeté dehors les responsables des relations publiques de la NBA et les techniciens vidéo de NBA Entertainment. Un unique cameraman, Pete Skorich, qui était l’homme de Chuck Daly aux Pistons, a enregistré l’événement. C’était un univers clos, un petit monde secret, ce moment où dix des meilleurs basketteurs du monde ont commencé à se tirer la bourre.

Avant que le match commence, Daly délivra son message : « Donnez tout ce que vous avez, maintenant. Tout », leur dit-il.

L’absence de Drexler signifie que Magic et Jordan sont directement opposés l’un à l’autre, un fait qui donnera à ce match matinal son caractère bruyant. « Ces deux-là qui n’arrêtaient pas de se défier l’un l’autre, c’était la soupape qui sautait », m’a dit Mike Krzyzewski en 2011.

Jordan remonte la balle en dribble et Magic crie : « On y va, les Bleus ! On les bouffe maintenant. » C’est ce qui a manqué à Magic les mois où il s’est retiré. L’énergie que lui procurait le fait de diriger une équipe, d’être le chef d’orchestre, la voix de la boîte, l’homme d’où provenait toute source d’énergie. Une demi-heure plus tôt, pendant les exercices détendus de lay-ups tout-terrain, Magic s’était subitement arrêté et avait balancé le ballon dans les tribunes vides. « On est là pour s’entraîner ! », avait-il crié. C’était sa façon de dire qu’ils étaient en train de faire de la merde et l’ambiance avait changé à partir de ce moment-là. Que les joueurs aient pensé que ce n’était pas nécessaire est une question de conjecture mais Magic avait promis à Daly, à San Diego, qu’il veillerait « à ce qu’il n’y ait pas de mauvais entraînements ». Il a pris cette promesse au sérieux.

Larry Bird reçoit la balle côté droit, pris par Laettner. D’un geste exagéré, presque théâtral, Bird se déhanche, comme s’il voulait passer à Jordan dans le coin. Le mec faisait des feintes de corps mieux que quiconque, son remède à son relatif manque de vélocité. Laettner marche dans la feinte et Bird a le chemin ouvert pour pénétrer dans la raquette, où il passe à Malone ligne de fond côté gauche. Malone rate son tir, Ewing manque sa claquette et Laettner se saisit du rebond.

Magic remonte le terrain en dribble et se lance dans son numéro de Toscanini. Il fait se déplacer Laettner et Mullin à l’écart du côté droit et envoie Barkley s’isoler poste bas. Bird a changé et se retrouve à défendre sur lui. « Joue-le, C.B. ! Joue-le ! » sont les instructions de Magic. Barkley feinte Bird vers le haut mais shoote un air ball. Laettner prend le rebond et remet dedans.

Equipe bleue Magic Johnson 5 – Equipe blanche Michael Jordan 0

Jouant œil pour œil une fois passé en attaque – ça arrive souvent en NBA -, Malone poste Barkley côté gauche. Mais le « Mailman » rate un tir facile et Laettner – l’homme du match jusqu’à présent – prend le rebond. Puis, sous le panier adverse, Laettner dribble ligne de fond sur Ewing qui le pousse de l’épaule hors du terrain. « On ne force pas si ce n’est pas nécessaire », dit Magic à l’intention de Laettner. Magic peut réprimander ses coéquipiers. Il considère cela comme une partie de ses attributions de meneur d’hommes.

Après la remise en jeu, Magic dribble dans la raquette et fait un reverse entre Jordan et Pippen, une pénétration forcée s’il en est (comme avec la plupart des leaders, il revient à leurs suiveurs de faire ce qu’ils disent, pas ce qu’ils font). Le monsieur italien siffle et personne n’est sûr de la décision qui va être prise, même le monsieur italien. Bird, un vieux briscard, fin stratège des matches amicaux, se dirige vers la zone d’attaque, s’imaginant que cela fera pencher la décision vers un marcher mais Magic est déjà en train de réclamer une faute. Il gagne.

« C’est une faute ? », demande Jordan de sa voix grave de baryton.

Des années plus tard, je regardais Magic dans un match amical à UCLA, sans arbitres cette fois, et il gagnait la bataille des fautes presque à chaque fois. Il se tenait debout, incrédule, jusqu’à ce qu’on lui remette la balle, et en défense, il continuait de jouer en ignorant ostensiblement ses propres fautes, se comportant comme un gamin irascible quand une faute lui était reprochée.

Une minute plus tard, Barkley repousse une passe courte de Pippen pour Ewing et se rue vers le panier adverse comme un bolide. Bird est devant lui mais évite prudemment l’action – à ce stade de sa vie, ce n’est pas le moment de se heurter à un semi-remorque – et Barkley inscrit un lay-up.

Equipe bleue Magic Johnson 7 – Equipe blanche Michael Jordan 2

Malone rate un autre tir ouvert ; Magic prend le rebond, ressort et crie : « Je te vois, bébé » à Mullin qui est démarqué. Mullin rate. Barkley prend le rebond et trouve Laettner qui coupe mais le tir de ce dernier est balayé par Ewing. Laettner lève les bras pour demander la faute ; il est vite rejoint par son coéquipier plus influent.

« C’est bon ! intervient Magic, réclamant un contre illégal.

– Il ne l’a pas sifflé ! dit Jordan.
– C’est bon ! redit Magic.
– Il ne l’a pas sifflé ! », dit Jordan.

Magic gagne encore une fois. Contre illégal.

Equipe bleue Magic Johnson 11 – Equipe blanche Michael Jordan 2

Bird contourne Laettner à droite et prend un vilain tir main gauche dans la raquette qui manque sa cible. Il est évident que son dos le fait souffrir et que si Stockton ou Drexler avait été disponibles, il serait resté sur le banc. Laettner bénéficie d’un lay-up en attaque sur la sortie rapide de Magic mais Ewing le contre, un petit moment qui présage de la carrière de Laettner en NBA. Il n’avait pas suffisamment de jus pour dunker et n’était pas assez physique pour provoquer la faute.

« Dunke-moi cette merde, Chris ! », dit Jordan.

(Des années plus tard, Jordan m’a dit froidement : « Tous ceux qui avaient Laettner avec eux perdaient. Il était le maillon faible et tout le monde s’en prenait à lui. »)

Bird rate un tir ouvert, Magic fonce sur Pippen et le boule hors du terrain ; néanmoins, Magic jette un regard incrédule quand la balle est attribuée à l’équipe blanche. Ewing tire : swish.

Equipe bleue Magic Johnson 11 – Equipe blanche Michael Jordan 4

Magic part en dribble, une faute est sifflée à Ewing et Malone, qui n’est pas un fan de ce show dominé par Magic, commence à être irrité. « Meeeeerde ! hurle-t-il au monsieur italien. Y’a pas tout le temps faute ! »
Son humeur n’est pas meilleure quelques secondes plus tard quand

il se prend un écran de Barkley et que Mullin déborde Pippen en backdoor avant de recevoir un caviar de Magic pour un lay-up tranquille.

« Whoo ! », fait Magic en revenant en défense. Les choses vont bien pour lui.

Equipe bleue Magic Johnson 13 – Equipe blanche Michael Jordan 4

(Des années plus tard, Pippen m’a servi un joli petit refrain sur la capacité de Mullin à lire le jeu. « Mullie me tuait sur les backdoors, me dit Scottie en regardant la vidéo avec moi. Il n’était pas si rapide mais il savait exactement à quel moment couper. »)

Maintenant, Jordan cherche à scorer. Il force les défenseurs à changer sur un écran d’Ewing, fait sortir Robinson à l’extérieur et déclenche un 3-points qui rebondit sur la planche pour rentrer. Un tir chanceux. Magic demande immédiatement le ballon – vous savez ce qu’il pense, œil pour œil – et Jordan recule en défense pour prévenir la pénétration de Magic. Mais Magic s’arrête, déclenche son tir juste derrière la ligne à 3 points et crie « Pour toi, celui-là ! » avant même qu’il atteigne le panier. Il rentre.

Equipe bleue Magic Johnson 16 – Equipe blanche Michael Jordan 7

En hiver 1989, la retransmission d’un un-contre-un entre Magic et Jordan devant être filmé à l’intersaison était sur la table. C’était un truc où ce n’était pas la peine de réfléchir. C’était encore mieux si vous n’aviez pas de cervelle. Cela ne faisait que renforcer le stéréotype le plus puissant de la NBA – même ses meilleurs joueurs sont des joueurs égoïstes de un-contre-un de carnaval. Pourtant, Magic était intrigué et me parlait de « stratégies avancées » pour contrer Jordan.

« His Airness » était beaucoup plus réticente, comprenant qu’il n’avait rien à y gagner, si ce n’était un peu d’argent de poche. Si Michael gagnait, cela ne ferait qu’asseoir davantage sa réputation de meilleur joueur de un-contre-un de l’histoire ; s’il perdait, ce serait contre un gars qui était reconnu pour être altruiste et jouer pour son équipe. De plus, Jordan aurait à endurer le couronnement de Magic jusqu’à ce que le réchauffement climatique fasse fondre la planète. La NBA était contre cette idée, puis l’Association des joueurs est montée au créneau et a dit que ce n’était pas dans les « meilleurs intérêts » du jeu. Son président à l’époque se trouvait être Isiah Thomas et pendant un moment, l’intérêt de Jordan s’en est trouvé aiguisé, simplement pour s’opposer à Thomas. Mais ça n’a jamais été plus loin.

Il y a peu de doutes sur le fait que Jordan aurait surclassé Magic, qui n’avait tout simplement pas les moyens de défendre sur lui. Magic est plus grand mais pas plus fort, il ne saute pas aussi haut, il est loin d’être aussi véloce et l’instinct de prédateur de Jordan était sans égal dans les défis en un-contre-un.

Mais ce matin-là, dans une salle presque déserte de Monaco, se déroulait le un-contre-un de Magic contre Jordan. Il n’avait pas pu le faire lors des matches amicaux et il n’avait pas pu le faire lors des Finales de 1991, où Pippen et Jordan avaient conjointement limité son efficacité. Jouer ce un-contre-un face à Jordan était une mauvaise stratégie et cela allait, en outre, contre la nature du basket de Magic. Johnson était un conciliateur. « Je vais réunir tout le monde ensemble » était son mantra, comme cela l’avait été au lycée Everett à Lansing où le proviseur faisait appel à lui pour apaiser les disputes raciales parmi ses camarades. Jordan était le chef de meute classique qui ne parlait pas un langage d’ambassadeur. « Tu dois jouer à mon niveau. Tu dois élever ton niveau de jeu pour jouer avec moi. » « Vous savez le respect que j’ai pour Michael, m’a dit Mike Krzyzewski de nombreuses années plus tard, mais juste une chose sur lui : il ne peut pas être gentil. »

Quand Magic est sorti de sa zone de confort et a essayé d’être Jordan, comme il l’a fait ce matin-là, c’était voué à l’échec.

Avec la certitude d’un comptable du trésor, Jordan se penche sur le dossier. Il démarre l’action en tête de raquette, coupe à l’intérieur et ressort dans le coin gauche. Il reçoit la passe d’Ewing et rentre le tir alors que Magic arrive en retard pour le contrer. À son tour, en attaque, Magic attend que Barkley soit prêt poste bas et lui envoie la balle. Barkley se retourne et rentre son tir.

« Prends-le, Charles, tous les jours », dit Magic.

Jordan dribble lentement en remontant le terrain et oriente Malone poste bas côté droit. Jordan fait la passe poste bas sur Malone qui se retourne et plante son tir par-dessus Barkley. Œil pour œil.

Equipe bleue Magic Johnson 18 – Equipe blanche Michael Jordan 11

Bird fait un air ball sur un tir grand ouvert. Il a l’air d’avoir 100 ans. Les Blancs reprennent la balle et Jordan signale que le côté devrait être dégagé pour Malone face à Barkley. La passe arrive poste bas et Malone se crée de l’espace en dégageant la main de Barkley. Il s’oriente ligne de fond et déclenche son tir jambes écartées. C’est bon.

« Celui-là, c’est pour toi », crie Jordan, faisant écho à la bravade de Magic quelques minutes plus tôt.

Equipe bleue Magic Johnson 18 – Equipe blanche Michael Jordan 13

Après quelques futiles échanges verbaux, Magic remonte le terrain à vive allure et fait la passe en avant à Robinson. « Vas-y, David ! », braille-t-il. Robinson s’exécute, attaque le panier et provoque la faute d’Ewing.

« Tous les jours, hurle Magic, tous les jours ! » Puis il se fait plus personnel : « Les Jordanaires sont K.-O. ! », crie-t-il. C’est comme ça que « l’équipe de soutien » de Jordan se faisait brocarder avant que les Bulls ne commencent à gagner des titres. Un surnom qui s’était imposé tout naturellement : les Jordanaires étaient le nom d’un groupe vocal qui faisait les chœurs derrière Elvis Presley.

Ça n’amuse pas du tout Jordan. Et c’est à ce moment-là, environ au milieu du plus grand match que personne n’ait jamais vu, que Magic a peut-être scellé son propre sort.

« Arrête le chrono ! », mugit Jordan, maintenant vraiment agacé, s’assurant qu’il reste suffisamment de temps pour frapper à son tour. Robinson fait un sur deux.

Equipe bleue Magic Johnson 19 – Equipe blanche Michael Jordan 13

Une minute plus tard, Barkley fait un reverse en s’écartant poste bas côté droit et Malone se voit siffler la faute. « On m’a sifflé cette même connerie hier soir, dit Malone au monsieur italien, faisant référence au match contre la France. C’est de la merde ! » Pour ajouter à la frustration de Malone, Daly fait savoir que l’équipe blanche a dépassé la limite de fautes.

« Un plus un », dit Daly.

« Ouais ! trompette Magic. J’adore ça ! On n’est plus au Chicago Stadium, là », ajoute-t-il et il ponctue sa tirade d’un claquement de mains très sonore. C’était un coup prévisible mais qui porte tout de même. Durant toute sa carrière, Michael a entendu la complainte selon laquelle les arbitres le favorisaient. Lors d’une session photo de Michael/Magic/Larry à Portland, Magic avait plaisanté : « On ne peut pas s’approcher trop près de Michael. C’est faute. » Jordan en avait marre d’entendre ça, particulièrement de la part de Magic. Barkley fait un sur deux.

Equipe bleue Magic Johnson 20 – Equipe blanche Michael Jordan 13

À présent chauffé à blanc, Jordan se faufile entre quatre défenseurs pour un lay-up volant. Ensuite, Pippen intercepte la remise en jeu de Mullin. Jordan rate un tir extérieur mais Pippen prend le rebond, provoque la faute de Mullin et reçoit une chaleureuse tape de Jordan. Tandis que Barkley s’éponge de la tête aux pieds – tout l’alcool qu’il exsude -, Pippen réussit ses deux lancers. Peut-être bien qu’ils y sont, au Chicago Stadium.

Equipe bleue Magic Johnson 20 – Equipe blanche Michael Jordan 17

Bird prend le rebond d’un tir raté de Robinson et Jordan rentre un shoot qui ramène les Blancs à un point. Magic, déterminé à remporter ce duel, fait un reverse dans la raquette et se loupe lamentablement. Barkley commence à s’agacer de ce jeu de un-contre-un de Magic et s’en plaindra plus tard auprès de Jordan et Pippen. Jordan remonte le terrain au pas de course avec Pippen sur sa gauche et Ewing sur sa droite. On sait comment ça va finir. Pippen attrape la balle et écrase un dunk féroce main gauche (dunker de la main gauche était une chose que Pippen faisait mieux que Jordan, Jordan lui-même le reconnaissait).

Equipe blanche Michael Jordan 21 – Equipe bleue Magic Johnson 20

L’équipe blanche mène pour la première fois.

Mullin part en dribble et Pippen fait faute sur lui en lui subtilisant le ballon. « Il n’a touché que le ballon ! », dit Jordan. Mullin réussit un lancer franc et rate le second.

Jordan pénètre et Magic, visiblement fatigué, est en retard sur l’écran. Robinson, le défenseur venu en aide, se voit siffler la faute. Après que Jordan rate le premier, Magic boxe la balle très haut – une faute technique en NBA mais qui s’en soucie ? – et continue de tchatcher.

« Restez concentrés ! », leur crie Daly, essayant de faire en sorte que tout le monde garde l’esprit focalisé sur l’objectif prioritaire.

Jordan met le deuxième lancer.

Equipe blanche Michael Jordan 22 – Equipe bleue Magic Johnson 21

Malone retombe durement sur sa cheville droite après avoir mis un lay-up sur une passe de Jordan. Sa mauvaise humeur a empiré. Malone ne s’en soucie pas plus que ça – un homme normal se serait mis de la glace – tandis que Pippen et Bird se tapent dans les mains. Jordan crie : « C’est bon, Karl. »

Equipe blanche Michael Jordan 24 – Equipe bleue Magic Johnson 21

En mars 1992, quelques mois avant que la « Dream Team » se réunisse, j’avais posé cette question à des coaches et des general managers de la Ligue : « Si vous deviez bâtir une équipe et que vous pouviez prendre soit Malone, soit Barkley, lequel choisiriez-vous ? » C’était un sujet brûlant à l’époque, probablement « LE » sujet car il ne faisait plus aucun doute que Jordan était le meilleur joueur du monde. Il réunissait les ingrédients d’un débat du type « Magic ou Larry ? ». M. Conservateur contre M. Volatil. M. Muscles contre M. Ressorts. M. Olympe contre M. Bouboule du Rebond. M. « Assurance » contre M. « On espère qu’il va se pointer et qu’il n’est pas dans un bar en train de balancer un mec bourré à travers la vitrine. »

Malone a remporté le scrutin par 15 voix contre 7 et il y avait des points communs dans les votes. Les supporters de Malone ont invariablement mentionné ses qualités de soldat loyal par contraste avec le penchant de Barkley pour la polémique ; les partisans de Barkley pensaient que rien ne pouvait remplacer le talent et que Charles accomplissait plus avec moins, n’ayant pas un John Stockton pour lui livrer la balle sur un plateau. La citation suivante est typique d’un votant Malone : « Les distractions en dehors du terrain ont pris une tournure si mauvaise cette année qu’avec son mécontentement d’être aux Sixers, ça a fini par affecter le jeu de Barkley. Avec le ‘‘Mailman’’, vous êtes sûr qu’il va jouer à fond tous les soirs et vous n’avez pas à vous inquiéter de ce qui va se passer après le match. » Et celle-ci résume la pensée des avocats de Barkley : « J’aime Charles car il joue avec tout son cœur, la façon dont il compense son désavantage de taille, la façon dont il prend un match à bras-le-corps. »

Visuels : DR, ESPN

A suivre…

 

Jack McCallum, « Dream Team » (sorti le 8 juin 2016)

396 pages, 22 euros, 13,99 euros en format numérique ePub (Kindle)

En vente en librairie, dans les grandes surfaces et sur les sites de vente en ligne.

Egalement disponibles

> Phil Jackson, « Un coach, onze titres NBA » (sorti le 14 mai 2014)

> Roland Lazenby, « Michael Jordan, The Life » (sorti le 17 juin 2015)

> Kent Babb, « Allen Iverson, not a game » (sorti le 9 novembre 2016)

> Jackie MacMullan, « Larry Bird-Magic Johnson, quand le jeu était à nous » (sorti le 31 mai 2017)

Editions Talent Sport

https://talentsport.fr

https://www.facebook.com/Talentsport2014/

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