Ancien président des Lakers, Magic Johnson (65 ans ce 14 août) a parfaitement réussi sa reconversion comme businessman, mais ce sont les images d’un joueur hors du commun, maître du showtime, qui resteront gravées à jamais dans nos têtes.
Trois titres de meilleur joueur NBA sont venus couronner le roi de la passe aveugle, fidèle toute sa vie aux Lakers et qui occupe une place à part dans le cœur des passionnés de basket partout dans le monde. Notamment parce qu’il a vaincu une maladie qu’on pensait mortelle.
C’était le 7 novembre 1991 : Magic Johnson annonce qu’il est atteint du SIDA et décide de mettre un terme à sa carrière sur le champ. Earvin promet de se battre avec acharnement contre la maladie comme il l’a toujours fait sur un terrain de basket.
Six ans plus tôt, l’acteur américain Rock Hudson fut l’une des premières célébrités hollywoodiennes à succomber au virus. Et si la recherche avance, elle n’avait pas atteint l’avancée qu’on connaît aujourd’hui. D’où l’émoi suscité par la nouvelle aux quatre coins de la planète. Emoi d’autant plus grand qu’on ne parle pas ici d’une starlette du basket comme la Ligue en produit une dizaine chaque année. Pilier des Lakers version showtime, Magic a fasciné tous les amoureux de sport durant la décennie 80.
Le roi du showtime
Earvin Johnson a toujours été un battant, comme en témoignent ses cinq titres NBA (1980, 82, 85, 87, 88), ses trois titres de meilleur joueur de la Ligue et ses neuf citations dans la All-NBA First Team. Un palmarès prestigieux ouvert en 1979 avec les Spartans de Michigan State. Lors de la Finale NCAA contre Indiana State, Magic dispose de celui qui deviendra son rival de toujours : Larry Bird. Toute sa vie de joueur, pourtant, Magic aura l’impression de courir après « Larry Legend ». Quelques semaines avant de recevoir son premier award de MVP de la saison régulière, il déclare dans le « Los Angeles Times » : « Larry Bird en a déjà trois, moi aucun. C’est bon maintenant… »
Nous sommes en 1987. Le meneur des Lakers a dû attendre huit ans pour décrocher la plus haute distinction individuelle. Deux autres suivront en 1989 et 1990, deux saisons où Magic loupera le titre NBA avec les Lakers. En 1989, Los Angeles est balayé par les « Bad boys » de Detroit (0-4). Magic a terminé l’année blessé. Kareem Abdul-Jabbar met un terme à sa carrière. En 1990, les Lakers sont sèchement écartés par Phoenix (4-1) en demi-finales de Conférence. Un an plus tard, le règne de Michael Jordan commence avec un succès 4-1 sur L.A. en Finales. Magic tire à son tour sa révérence.
Le patron de la Dream Team
Heureusement, l’or olympique de Barcelone viendra lui mettre un peu de baume au cœur, comme le trophée de MVP du All-Star Game d’Orlando la même année (1992), chargé d’émotion pour les raisons que l’on a évoquées plus haut (le deuxième du genre après celui de 1990). La suite, c’est une expérience ratée au bord du parquet comme coach – 16 rencontres en 1994 en remplacement de Randy Pfund – et un come-back en tant que joueur lors de la saison 1995-96, après plus de quatre ans d’interruption. On ne retrouvera jamais le sourire le plus célèbre de la NBA. Le magicien de la balle, le roi du showtime version Pat Riley, le prince d’Hollywood follement glamour, celui qui trouvait en Larry Bird sa parfaite antithèse.
« Il faut sans cesser pourchasser ses rêves, expliquait Magic après son dernier retour sur le terrain. Le mien est d’être mon propre patron, un businessman accompli. Tant que je n’y serai pas parvenu, je ne vivrai pas complètement heureux. »
Du bonheur, Magic Johnson en a donné à tous les fans de basket pendant treize saisons en compilant plus de 17 000 points, 6 500 rebonds et plus de 10 000 passes, art dont il était devenu un véritable expert. Pour Magic, aucune assist n’était impossible. Il trouvait ses coéquipiers les yeux fermés. Sur les phases de contre-attaque, Johnson s’amusait à tourner la tête dans la direction opposée au jeu pour servir en aveugle un partenaire idéalement placé (« no look pass »). En revanche, Earvin n’a jamais été vraiment scoreur. Sa meilleure moyenne de points : 23.9 en 1986-87. Le surnom « Magic » lui fut donné par un reporter de presse écrite alors qu’il était encore au lycée d’Everett, dans le comté de Lansing proche de Detroit.
Le seul rookie de l’histoire élu MVP des Finals
Dans les années 80, les Abdul-Jabbar, Worthy et autres McAdoo ont été littéralement gavés de caviars. Le showtime est véritablement né à Los Angeles lorsque Jerry Buss, le propriétaire, a apporté sept nouveaux joueurs en 1979, dont Magic Johnson. Jack McKinney, nommé entraîneur au même moment, dirigea l’équipe pour seulement 14 matches. Victime d’un accident de bicyclette en fin d’année, il frôla le pire. Paul Westhead prit le relais sur le banc et mena les Lakers au premier de leurs cinq titres dans les années 80.
L’enthousiasme débordant du rookie Johnson posa les fondations de ce premier couronnement. Un premier titre personnel doublé d’un trophée de MVP lors de la Finale contre Philadelphie. Une tranche d’histoire. Magic prend la place d’Abdul-Jabbar, blessé à la cheville, au poste de pivot lors d’un Match 6 crucial et compile 42 points, 15 rebonds, 7 passes et 3 interceptions. Victoire de L.A. 123-107. Durant cette rencontre, Johnson a joué dans quasiment toutes les positions ! Sa performance dans cette série demeure l’une des plus « amazing » de toute l’histoire de la Ligue. C’est d’ailleurs le seul rookie à remporter le titre de MVP des Finales.
Kareem Abdul-Jabbar mentionne toujours cette anecdote : « Cette saison-là, on a joué notre premier match contre les Clippers de San Diego. On a gagné grâce à un tir au buzzer de ma part. Tout au long du match, Magic est venu taper le five avec les joueurs qui marquaient. A la fin, c’est comme si on avait gagné le titre NBA… Je l’avais pris à part dans le vestiaire pour lui expliquer qu’il restait encore 81 matches et qu’il devait se calmer. Il était jeune, il ne savait pas encore ce qu’était une saison NBA. »
Abdul-Jabbar ignore à l’époque qu’il a affaire à un winner dans l’âme, playmaker de génie, légende naissante.
Magic Johnson demande la tête de son coach
Une légende qui s’étoffera avec les duels au couteau contre le Boston de Larry Bird dans les années 80. La saga de la décennie. Celle qui permettra à la NBA de s’imposer comme ligue sportive majeure et d’accroître sa popularité partout dans le monde. Magic-Bird, Los-Angeles-Boston, c’est une tragédie grecque moderne. Une rivalité sans fin. Magic connaîtra les délices des sifflets jusque dans sa propre salle, le Forum d’Inglewood… Après une saison 1980-81 perturbée par une blessure et une élimination prématurée au 1er tour des playoffs (1-2 contre Houston et Moses Malone), Magic revient avec un mental d’acier. Gonflé à bloc. Sans doute trop. Il n’accepte plus les systèmes offensifs de Paul Westhead dont il réclame la tête – sans jeu de mots – un soir de défaite à Utah. Il menace même de quitter la franchise s’il n’obtient pas gain de cause. « Caprice de star » pour certains. Mais caprice exaucé. Quelques jours plus tard, l’assistant coach Pat Riley prend les rênes de l’équipe. Magic est conspué au Forum lors de la présentation des joueurs contre Seattle. Il paiera son coup de sang au prix fort : il n’est même pas sélectionné pour le All-Star Game en tant que starter…
« Il y avait Michael et puis le reste, c’est-à-dire nous »
Johnson aura tout connu, très vite. Le succès. La gloire. L’argent, avec un contrat de 25 millions de dollars en 1984. Les sifflets ne dureront pas longtemps puisqu’en cette année de tempête, il offrira un nouveau titre à Los Angeles (4-2 face aux 76ers). Le jeu de Magic est aussi brillant que déroutant. Très grand pour un meneur (2,05 m), Johnson compense son manque de rapidité par des fondamentaux parfaits. Surtout, il réalise ce dont les autres sont incapables. Les passes aveugles sont autant de coup de poignards. Désarmées par tant de culot, les défenses demeurent impuissantes.
Bien sûr, Magic Johnson commet des bourdes, notamment lors de la Finale de 1984 contre Boston (lors des Matches 2, 4 et 7), mais son aura demeurera intacte. D’autant que dès la saison suivante, il prend sa revanche sur ces mêmes Celtics. 1987 est une grande année pour le natif de Lansing, Michigan (MVP de la Ligue, titre NBA, MVP des Finales), qui n’a jamais été autant scoreur. Ce sont les Kings qui feront les frais de son courroux, un soir de folie où il plante 46 points, son record en carrière. Magic gagnera un dernier titre NBA en 1988 dans un fameux back-to-back contre Detroit. Mais les Pistons sont prêts à régner à leur tour. Comme Chicago où un certain Michael Jordan, tapi dans l’ombre, attend son heure. La passation de pouvoirs aura donc lieu en 1991, en cinq matches. La 9e Finale d’Earvin Johnson en douze saisons ! Devant le prodige Jordan, Magic se montrera toujours très humble. « Il y avait Michael et puis le reste, c’est-à-dire nous. »
Longtemps, pourtant, une majorité de joueurs NBA et des millions de fans à travers le monde ont placé Magic au-dessus du gotha. Un joueur 12 fois All-Star qui avait de la magie dans les mains, et dont le trophée de MVP de la finale de la conférence Ouest porte le nom.
Champion NBA : 1980, 1982, 1985, 1987, 1988.
MVP : 1987, 1989, 1990
MVP des Finals : 1980, 1982 et 1987.
All-Star : 11 fois, en 1980, 1982, 1983, 1984, 1985, 1986, 1987, 1988, 1990, 1991, 1992.
First All-NBA Team : 9 fois, 1983, 1984, 1985, 1986, 1987, 1988, 1989, 1990 et 1991
Magic Johnson | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
1979-80 | LAL | 77 | 36 | 53.0 | 22.6 | 81.0 | 2.2 | 5.6 | 7.7 | 7.3 | 2.8 | 2.4 | 4.0 | 0.5 | 18.0 |
1980-81 | LAL | 37 | 37 | 53.2 | 17.6 | 76.0 | 2.7 | 5.9 | 8.7 | 8.6 | 2.7 | 3.4 | 3.9 | 0.7 | 21.6 |
1981-82 | LAL | 78 | 38 | 53.7 | 20.7 | 76.0 | 3.2 | 6.4 | 9.6 | 9.5 | 2.9 | 2.7 | 3.7 | 0.4 | 18.6 |
1982-83 | LAL | 79 | 37 | 54.8 | 0.0 | 80.0 | 2.7 | 5.9 | 8.7 | 10.5 | 2.5 | 2.2 | 3.8 | 0.6 | 16.8 |
1983-84 | LAL | 67 | 38 | 56.5 | 20.7 | 81.0 | 1.5 | 5.9 | 7.3 | 13.1 | 2.5 | 2.2 | 4.6 | 0.7 | 17.6 |
1984-85 | LAL | 77 | 36 | 56.1 | 18.9 | 84.3 | 1.2 | 5.0 | 6.2 | 12.6 | 2.0 | 1.5 | 4.0 | 0.3 | 18.3 |
1985-86 | LAL | 72 | 36 | 52.6 | 23.8 | 87.1 | 1.2 | 4.8 | 5.9 | 12.5 | 1.9 | 1.6 | 3.8 | 0.2 | 18.8 |
1986-87 ★ | LAL | 80 | 36 | 52.3 | 20.5 | 84.8 | 1.5 | 4.8 | 6.3 | 12.2 | 2.1 | 1.7 | 3.8 | 0.5 | 23.9 |
1987-88 | LAL | 72 | 37 | 49.2 | 19.6 | 85.3 | 1.2 | 5.0 | 6.2 | 11.9 | 2.0 | 1.6 | 3.7 | 0.2 | 19.6 |
1988-89 ★ | LAL | 77 | 38 | 50.9 | 31.4 | 91.1 | 1.4 | 6.4 | 7.9 | 12.8 | 2.2 | 1.8 | 4.1 | 0.3 | 22.5 |
1989-90 ★ | LAL | 79 | 37 | 48.0 | 38.4 | 89.0 | 1.6 | 5.0 | 6.6 | 11.5 | 2.1 | 1.7 | 3.7 | 0.4 | 22.3 |
1990-91 | LAL | 79 | 37 | 47.7 | 32.0 | 90.6 | 1.3 | 5.7 | 7.0 | 12.5 | 1.9 | 1.3 | 4.0 | 0.2 | 19.4 |
1995-96 | LAL | 32 | 30 | 46.6 | 37.9 | 85.6 | 1.3 | 4.5 | 5.7 | 6.9 | 1.5 | 0.8 | 3.2 | 0.4 | 14.6 |
Total | 906 | 37 | 52.0 | 30.3 | 84.8 | 1.8 | 5.5 | 7.2 | 11.2 | 2.3 | 1.9 | 3.9 | 0.4 | 19.5 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.